vendredi 9 avril 2010

poncho, lama y diplomatie





Tiraillements autour de la géopolitique Sud-Américaine.


De la puissance croissante de l'industrie brésilienne, à la victoire politique des revendications indigènes anti-impérialistes en Bolivie, en passant par les réserves de pétrole Vénézueliennes, les nouvelles en provenance d'Amérique du Sud lui prédisent un retour sur la scène internationale. Poncho, lama y el condor pasa, c'est fini ! Parlons un peu des récents mouvements diplomatiques et militaires (oui oui) à l'égard de l'Amérique du Sud.

Carte politique de l'Amérique Latine (Amérique du Sud+Amérique Centrale)


Construction d'une politique anti impérialiste commune.


Après le recul du totalitarisme militaire d'extrême droite dans le milieu des années 80 (Argentine 1983, Brésil 1985, Chili 1990) certains pays d'Amérique du Sud ont développé une réticence à la doctrine Monroe (chasse gardée des Etats-Unis sur le continent américain) et à toute nouvelle forme de domination économique des premières puissances mondiales. Des gouvernements radicaux, comme celui de Chavez au Vénézuela, ou plus mesurés à l'image du gouvernement de Lula au Brésil militent pour un développement national et régional qui leur permette de passer du stade de pourvoyeur soumis de matières premières à l'indépendance scientifique, technique et industrielle. On assiste alors à un retour en force des pays d'Amérique du Sud, qui disposent d'arguments fort pour s'imposer au minimum sur la scène régionale, mais aussi autant que possible sur la scène mondiale, ce qui n'est pas sans entraîner quelques frictions.


Bases militaires américaines...


Le Président du Vénézuela Hugo Chavez, assez violemment anti-américain (et c'est un euphémisme), pourrait allègrement passer pour paranoïaque lorsqu'il crie à l'invasion américaine après le débarque

ment de 10 000 marines Etats-Uniens à Haïti sous la bannière humanitaire, une semaine après le séisme cataclysmique qu'on ne présente plus. Pourtant, cette arrivée en force de l'armée US à moins de 500 km des côtes vénézuelienne n'est pas le seul signe que la zone Caraïbe- Amérique du Sud intéresse de plus en plus les Etats-Unis.

Détail de la carte Amérique Latine centrée sur Haïti et le Vénézuela.


Déjà le 14 août 2009, la Colombie, pays voisin du Vénézuela, annonçait la signature avec l'armée Etats-Unienne d'un accord permettant à cette même armée d'utiliser à discrétion 7 implantations stratégiques (pour ne pas dire bases américaines) sur le territoire colombien sans avoir de compte à rendre au gouvernement colombien, dans le cadre mal défini, de la lutte anti- narcotrafiquants (1 et 2). Cet accord fait suite au refus du gouvernement Equatorien de reconduire, l'accord bilatéral avec les Etats-Unis prenant fin en Août 2009 permettant l'existence de la base militaire US de Manta en Equateur. Il a par ailleurs été suivi par l'annonce du Pr

ésident du Panama de la cession de terrain aux Etats-Unis afin que ceux-ci y installent 4 nouvelles bases militaires (3).

Vu le passif militaro-politique tristement célèbre des Etats-Unis dans la région, on peut comprendre que ces annonces aient échaudées, non seulement le Vénézuela, mais aussi le Brésil, l'Argentine, l'Equateur et la Bolivie. Le récent coup d'état militaire au Honduras « officialisé » a posteriori par des élections sans liberté de réunions ni liberté de presse, et finalement reconnu par les Etats-Unis (4) ne plaide pas pour donner le bénéfice du doute à l'armée US.

Comment la presse US voit le coup d'Etat... On voit d'ici l'entente cordiale H.Chavez-USA

source : http://blog.al.com/stantis/2009/06/honduras_coup.html


... Et pétrole


Des faits nouveaux viennent renforcer les soupçons de prise de position stratégique de l'armée Américaine. En effet, le sérieux Service Géologique des Etats-Unis (USGS) a annoncé le 22 janvier 2010 (5 et 6) que les « réserves de pétrole certifiées » dans le sous-sol vénézuelien atteignent les 513 000 millions de barils et font du Vénézuela le pays possédant les plus grandes réserves pétrolières mondiales, loin devant l'ancien premier du tableau : l'Arabie Saoudite et ses 264 000 millions de barils (7).

Source : http://dollardaze.org/blog/?post_id=00153&cat_id=20


Or, au vu des tensions sur l'approvisionnement en pétrole, qui n'est en rien étranger al'invasion de l'Irak par l'Administration Bush en 2003, on peut comprendre la préoccupation de M. Chavez. Malgré ses véhémentes sorties anti-impérialistes, les affaires vont bon train entre M. Chavez et les Etats-Unis : les USA sont les plus gros acheteurs du pétrole vénézueliens. Cependant son statut de plus gros réservoir mondial de pétrole fera du Vénézuela la première source du pétrole consommé aux Etats-Unis en 2030 (7), ce qui risque de pousser ceux-ci à faire baisser les risques politiques de rupture des relations commerciales avec ce partenaire si publiquement anti-Etats- Unien.

On le comprend, le poids diplomatique du Vénézuela ira en s'accentuant au fur et à mesure des parts croissantes que prendra son pétrole dans les importations Etats-Uniennes, Européennes, Japonaises, Chinoises...


L'émergence diplomatique du Brésil


La croissance impressionnante du Brésil, en 2010 son PIB de 1572 milliards de dollars dépasse celui du Canada qui n'est « que » de 1510 milliards, et sa population qui est la plus importante d'Amérique Latine, presque 200 millions d'habitants, lui ouvre des perspectives économiques mondiales. Se présentant comme un géant débonnaire, le Brésil, relaie néanmoins les points de vue des pays émergents. Notamment au sujet du nucléaire civil, affichant clairement son intention de se doter de centrales électriques de ce type, le Brésil appuie les volontés de l'Iran en ce domaine et a offert, se suppléant à l'Argentine qui l'avait proposé en premier lieu, d'enrichir l'Uranium nécessaire aux centrales iraniennes.

Le voyage du Président Lula en Israël le 15 mars 2010 (8) marque cette volonté du Brésil de jouer un rôle diplomatique au proche-orient, où ses contacts avec l'Iran peuvent en faire un partenaire crédible.

Sa puissance économique montante et ses prises de position en faveur des pays du Sud, donnent donc au Brésil un poids diplomatique inattendu qui attire un peu plus l'attention des pays du Nord sur cette région du monde.


Gouvernements populaires


Si la présidence de Lula et sa politique le créditent de 70% d'opinions favorables à la fin de son second mandat, il n'est pas le seul Président plébiscité de la zone Amérique Latine. En Bolivie, pays voisin, Evo Moralés, Syndicaliste du mouvement indigènes cocalero des hauts plateaux, a été lui aussi réélu à la Présidence de la République de Bolivie avec 63% des votes (6). Lors de son premier mandat, il avait mené une politique sociale forte avec des réformes dont la plus médiatisée a été la nationalisation en 2006 des réserves d'hydrocarbures boliviennes, apportant à son budget les fonds nécessaires pour sa politique en faveur de l'éducation et de la santé, dans un pays farci de ressources, mais aux inégalités criantes. Renforcé par ce second scrutin, il est allé plus loin en instaurant l'Etat Plurinational de Bolivie, reconnaissant les droits et la culture différentes nations indigènes et, cerise sur le gâteau, en déclarant que le pays prendrait le chemin du Socialisme.

Cette politique, bien sûr, est jugée impropre à la consommation par toute une partie de l'oligarchie aisée qui, en plus de la crainte de la réforme agraire et des redistributions socialiste, ne lui pardonne pas ce qu'elle taxe de populisme et de retour au folklore indigène, jugé ridicule sur la scène internationale. D'autant que les maîtres d'hier craignent une prise de revanche violente des « Indios ». Ce climat délétère interne et ces déclarations ronflantes au Socialisme des lendemains qui déchantent comme le coup d'Etat du 11 septembre 1973 au Chili, renversant le Président socialiste Salvador Allende. Un coup d'état dont les responsabilités restent à répartir entre une classe fortunée hostile aux réformes, des entreprises à capitaux étrangers inquiètes des nationalisations et la CIA en pleine politique du « containment »...

Cette position très anti-impérialiste du Président Morales, qui le rapproche à certains égards du Président Chavez, est propre à attirer le déplaisir des « Faucons » de Washington, ainsi que l'attention des pays du Nord, impliqués à travers leurs grandes entreprises présentes en Bolivie.


Proche Orient, alternatives sociales, croissance : et si une partie de la solution était en Amérique Latine ?


Si l'idéologie anti-communiste semble insuffisante aujourd'hui pour déclencher des conflits en Amérique Latine, des enjeux économiques et politiques beaucoup plus pragmatiques ramènent l'Amérique Latine au coeur de la diplomatie mondiale. Cependant, si la détente de l'administration Obama envers les politiques sociales, pour ne pas dire socialistes, des pays d'Amérique Latine se concrétise réellement, l'émergence d'un bloc politique et économique centré autour du Mercosur pourrait apporter bien des solutions innovantes dans les domaines de la guerre au proche-orient, de la croissance et des alternatives sociales concertées prenant en compte le droit des minorités.



(1) : Nouvel Obs.com du 15/08/09.

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/monde/20090815.OBS7681/accord-pour-des-

bases-militaires-americaines-en-colombie.html

(2) : Le Figaro.fr du 28/08/2009.

http://www.lefigaro.fr/international/2009/08/08/01003-20090808ARTFIG00162-les-bases-

us-en-colombie-suscitent-une-crise-regionale-.php

(3) : Cercando a Venezuela, Igancio Ramonet, Le monde diplomatique, édition chilienne enero- febrero 2010.

(4) : Communiqué du 26/01/2010, sur le site internet officiel de la Maison Blanche.

http://www.whitehouse.gov/the-press-office/obama-announces-presidential-delegation-

honduras

(5) : United States Geological Service's web site, news of Januery 22th 2010.

http://www.usgs.gov/newsroom/article.asp?ID=2386

(6) : El Mundo, quotidien bolivien du 23/01/2010 ; n°6733 (7) : Ante la creciente dependencia energética de Etados Unidos, la clave esta en Caracas,

Federico Bernal. Le monde diplomatique, édition chilienne enero-febrero 2010. (8) : Le Monde.fr du 16/03/2010, repris par le site IsraelValley.

http://www.israelvalley.com/news/2010/03/16/26759/bresil-israel-visite-officielle-dans-le- haaretz-lula-da-silva-n-hesite-pas-a-lancer-des-phrases-qui-ne-plaisent-evidemmen